Un an après un épisode similaire en Iran, Raphaël Berland du Cercle des Volontaires est cette fois parti jouer les propagandistes à Damas, en compagnie de plusieurs personnalités d’extrême droite dont Laurent Louis et Jean-Michel Vernochet. Le point sur ce voyage qui a eu lieu dans la première moitié du mois de novembre, à l’initiative de l’agent bachariste Omran Al Khatib. (Cliquer sur les images pour les agrandir)
Début novembre, une délégation de militants d’extrême droite s’est rendue en Syrie. A des journalistes de France 2 qui l’interrogeaient le jour de son départ pour « Envoyé spécial », Raphaël Berland du Cercle des Volontaires (CDV) décrivait ainsi ceux qui l’accompagnaient : une « délégation de citoyens très divers, il y a des politiciens, il y a des journalistes, il y a des simples citoyens, des intellectuels. »
Des politiciens ? Un surtout : Laurent Louis, ex-député belge d’extrême droite, converti à l’islam, condamné pour négationnisme qui s’est montré très fier une fois sur place de rencontrer le numéro deux du parti Baas. Pendant tout le voyage, il n’a cessé de vanter sur Facebook les mérites du régime, de souligner que divers officiels l’avaient « félicité » pour ses combats… et de se faire prendre en photo avec dignitaires, ministres et partisans du régime. A son retour, il a délivré un long compte-rendu de son voyage la la webTV du Parti antisioniste.
Des journalistes et des intellectuels ? Certes, mais là encore liés à l’extrême droite, que ce soit Jean-Michel Vernochet ou l’écrivain marocain Youssef Hindi qui, s’il est l’objet en tant que musulman des foudres de Riposte laïque, n’hésite pourtant pas à collaborer au Boulevard Voltaire ou à donner des conférences en compagnie du même Vernochet ou de Marion Sigaut, l’« historienne » officielle d’Alain Soral :
Quant au journaliste algérien Aref Mechakra, c’est un bachariste de longue date, présent sur toutes les manifestations parisiennes de soutien au dictateur, adepte du look paramilitaire et qui se présente comme travaillant pour Reporters sans frontières…
Citons aussi le vidéaste Sylvain Durain, qui a profité du voyage pour faire un reportage sur les chrétiens d’Orient et pour interviewer Thierry Meyssan, actuellement réfugié politique à Damas.
Du voyage enfin, plusieurs autres personnalités moins connues : Huseyin Enhas, représentant de la communauté alevi (une minorité persécutée par Daesh) en Suisse, Sayah Ourimi, avocat tunisien, Kamel Ourimmi, cadre du parti tunisien Echaâb ou encore Djamel Guessoum, qui gère une association d’aide aux jeunes radicalisés ou emprisonnés basée en Seine-Saint-Denis.
De simples citoyens ? Du coup on ne voit pas…
Omran Al-Khatib, lobbyiste bachariste et fan de Marine Le Pen
Le chef d’orchestre de ce voyage était Omran Al Khatib, un Syrien bachariste proche de l’extrême droite française et belge, que Berland dit avoir rencontré pour la première fois lors d’une manifestation à Bruxelles pour le Yémen dont nous avons déjà parlé ici, et à laquelle ont participé Jean Bricmont, Bahar Kimyongür et Elie Hatem (Action française, FN)1. Al Khatib est, avec son Rassemblement pour la Syrie, le leader de l’activisme pro-Assad en France.
Le 13 juin 2014, il posait fièrement aux côtés de Marine Le Pen lors de la réception organisée par l’ambassade de Russie pour la fête nationale russe au cours de laquelle il a également pu s’entretenir avec Valéry Giscard d’Estaing (merci au lecteur qui nous a fait parvenir ces photos et commentaires, retirés depuis de son compte Facebook) :
L’année précédente, Al Khatib avait reçu des mains de Dieudonné une « quenelle d’or » au nom de Bachar Al-Assad2 :
La veille de son retour de Damas, Al Khatib poursuivait son infatigable travail de lobbyiste, par exemple auprès de secrétaire général des nations unies pour le Moyen-Orient, en compagnie d’Aref Mechakra et, toujours, de Jean-Michel Vernochet :
Une fois de retour, c’est au Parlement européen qu’il se rendait avec Djamel Guessoum, cette fois-ci aux côtés d’Alain Escada (Civitas) :
Et début décembre, c’est le parti d’extrême droite belge Vlaams Belang qui le recevait, en compagnie de Laurent Louis et toujours de Djamel Guessoum :
En décembre toujours, il postait sans plus de commentaire le logo du Parti social-nationaliste syrien, dont l’idéologie était à ses débuts dans les années 1930 clairement inspirée du fascisme et du nazisme et qui est aujourd’hui un allié du Hezbollah :
Et deux semaines plus tard, un article du Front national :
Toujours selon Berland, Al Khatib lui a été présenté par Ali Rastbeen (ou Rastbin), président de l’Académie de géopolitique de Paris, qui constitue en France un groupe de pression en faveur de la République islamique d’Iran. L’Académie de géopolitique de Paris organise régulièrement, avec le soutien du député LR Jacques Myard, des réunions et des colloques à l’Assemblée nationale ayant pour but de promouvoir les intérêts de l’Iran, de la Russie et de leurs alliés. Parmi les participants à sa dernière grand-messe, qui a eu lieu au siège de l’Organisation internationale de la francophonie le 15 janvier dernier autour du thème « la société civile moyen-orientale : un regard européen » : Bruno Drweski, Elie Hatem, le colonel Alain Corvez (qu’on retrouve régulièrement sur le CDV ou dans les pétitions du Comité Valmy), Jean-Michel Vernochet (qui est un habitué), Youssef Hindi. Berland assiste régulièrement aux événements de cette officine.
Le Cercle des Volontaires, propagandiste pro-Assad
Depuis son retour, le Cercle des Volontaires propose un film en téléchargement payant sur ce voyage, intitulé « Deux heures pour mieux comprendre la Syrie ». A la veille de son départ, Berland énonçait ainsi ses objectifs3 : « Le but c’est de rencontrer un petit peu les Syriens du plus haut au plus bas de l’échelle sociale. Aussi bien du côté « haut », ben les députés, les personalités du gouvernement, si possible des ministres, des porte-paroles du gouvernement ou de l’appareil sécuritaire, que ce soit l’Intérieur ou l’armée. Egalement, le plus bas, ben rencontrer des Syriens de la rue, faire des micro-trottoirs. […] C’est vrai que nous on avait relayé que d’après les informations dont on disposait, Bachar Al Assad bénéficiait d’un soutien populaire assez large. Ben ce sera l’occasion de vérifier autant que faire se peut la véracité de ces informations que nous avons relayées. » Au CDV, on vérifie donc l’information seulement après l’avoir relayée… Et de quelle manière !
Se défendant avant son départ de vouloir faire du journalisme embedded, Berland n’était pourtant pas par hasard partie prenante d’un voyage présenté par Omran Al-Khatib lui-même comme ayant pour objectif de soutenir le régime de Bachar Al-Assad et sa sale guerre (rappelons qu’il est à lui seul responsable de 90 % des morts du conflit qui ensanglante son pays). Les participants ont été triés sur le volet pour le soutien qu’ils ont toujours apporté à la dictature depuis la révolution de 2011. Enonçant la ligne éditoriale du Cercle des Volontaires en matière de politique internationale, Berland a d’ailleurs expliqué aux caméras de France 2, faisant un lapsus révélateur : « On n’est pas en train d’angéliser ces présidents [Assad et Ahmadinejad, ndlr], par contre on essaye de les dédiaboliser. Bachar Al-Assad, clairement, c’est quelqu’un qu’on a tellement diabolisé que c’est difficile de porter une parole honnête sans être tout de suite taxé de suppôt de ce dictat… heu… ce dictateur… ce chef d’État. C’est un chef d’État. »
Au prétexte que le régime baasiste laisse s’exprimer quelques faux opposants largement compromis, notamment au sein de son parlement, Berland semble penser qu’il n’y a pas lieu de considérer la Syrie comme une dictature : « on présente souvent ce pays comme une dictature alors qu’il y a quand même au niveau de la presse je connais assez mal mais au niveau du pouvoir politique il y a des opposants qui ne sont pas forcément parmi les rebelles, c’est-à-dire qu’il y a des opposants pacifistes. Je compte d’ailleurs interviewer une députée indépendante syrienne qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle justement pour lui demander jusqu’où elle peut s’opposer au pouvoir, quelle est la marge de manœuvre de l’opposition démocratique en Syrie. »
Finalement, le reportage fait par le Cercle comprend entre autres des interviews de Naïm Qassem, numéro deux du Hezbollah, de Moustafa Hamdan, ancien général libanais, d’Emile Lahoud, ancien pdt libanais ou encore de Ahmad Badreddin Hassoun, grand mufti de Damas, ainsi que d’une personne présentée comme membre de l’Armée syrienne libre (ASL), pourtant interviewé devant une énorme affiche de propagande bachariste et en compagnie d’Omran Al Khatib, dont on reconnaît la moustache et les lunettes à l’extrême droite du cadre :
La délégation a aussi rencontré le numéro deux du parti Baas, plusieurs ministres dont celui des cultes, etc. Le père Gabriel, prêtre chrétien syriaque, a rencontré un grand succès. Laurent Louis était ravi : « Le Père Gabriel nous a confirmé que le gouvernement de Bashar Al Assad a toujours tout fait pour promouvoir et assurer la bonne entente entre les différentes religions en Syrie. Ce Père courageux nous a affirmé que jamais le gouvernement de Bashar Al Assad n’avait opprimé ni massacré des Chrétiens en Syrie », expliquait-il sur Facebook dans un post du 10 novembre. Visitant un centre de réfugiés, le même s’exclamait la veille : « Visite d’une école transformée en centre d’accueil de réfugiés par le gouvernement syrien. Même si les conditions d’hébergement sont difficiles, le gouvernement syrien fait tout ce qu’il peut pour venir en aide à son peuple ! Le sourire des enfants de ce centre m’a fait chaud au coeur. » L’ex-député belge, s’exprimant sur Al-Manar, la chaîne du Hezbollah, en a profité pour féliciter l’organisation islamiste pour sa lutte contre… le terrorisme4 !
Pendant son séjour, le groupe a été chaperonné par des membres du Damascus Youth Voluntary Team, une organisation de jeunesse bachariste fondée en 2005 dont les membres se reconnaissent au très discret blouson aux couleurs du drapeau de la Syrie d’Assad qu’ils portent en permanence sur le dos. On se doute qu’avec pareils accompagnateurs, Berland et sa bande avaient des chances de rencontrer des Syriens qui accepteraient de leur parler librement du régime et de la guerre en cours5…
O. G.
Sauf indication contraire, les propos de Raphaël Berland sont extraits de cette vidéo : cercledesvolontaires.fr/2015/11/05/raphael-berland-est-arrive-en-syrie/ Sauf mention contraire, les images quant à elles sont tirées des comptes Facebook des intéressés.
Berland précise ici que Al Khatib s’était chargé de louer plusieurs bus pour conduire les manifestants à bon port. ↩
la vidéo ici : youtube.com/watch?v=Hu-EqNUkj9w ↩
Voir ici : cercledesvolontaires.fr/2015/11/05/raphael-berland-est-arrive-en-syrie/ ↩
Voir ici : memri.fr/2015/11/09/une-delegation-de-deputes-politiciens-et-personnalites-du-monde-de-la-culture-europeens-a-rencontre-le-secretaire-general-adjoint-du-hezbollah-naim-qassem/ ↩
Cette organisation de jeunesse, qui se met en scène distribuant des colis de nourriture aux soldats du régime ou organisant des kermesses pour les enfants, encadre systématiquement les visites de délégations européennes et servent de guides au journalistes, comme le très droitier Fabrice Balanche ou Xavier Yvon, journaliste d’Europe 1 qui se rend régulièrement à Damas. ↩